La folle histoire du partage

Notre Série « Art, Culture & Partage » – Saison 1 / Episode 1

L’économie circulaire, c’est penser réutilisation, recyclage et tout ce qu’on trouve en haut de l’Echelle de Lansink, mais c’est aussi penser partage.

Partage des outils, partage du matériel, partage des moyens… enfin tout ce que l’on peut partager et qui va permettre d’éviter de produire inutilement et, bien sûr, de consommer des ressources naturelles trop précieuses pour être gaspillées.

OK, c’est clair.

Eh bien, cette économie du partage concerne aussi l’ensemble de l’activité et des ressources immatérielles, et notamment l’art et la culture.

– Ah bon ?
– Eh bien, oui.
– Et on fait ça, comment ?
– Facile, on commence par lire la suite.

Un peu d’Histoire

Au Commencement, il y eut les Geeks…
Créatures mystérieuses, hirsutes aux yeux fous et au langage incompréhensible, les IT Men & Women du XXe siècle ont, en effet, été les premiers à avoir imaginé un système pour protéger le partage de leur travail au bénéfice de tous.
Parmi ces Pères Fondateurs, il y eut bien sûr Linus Torvalds, l’inventeur du système d’exploitation Linux, libre et gratuit, qui a fait le bonheur de générations entières de développeurs altruistes.

Richard Stallman

Mais il y eut surtout le Premier d’entre Eux, le Moïse du logiciel libre, Richard Stallman.
Descendu de sa montagne en 1983, porteur de la Parole Sacrée, il est l’initiateur du Manifeste et de la Licence GNU qui ont posé les fondements de cette économie productive libre et du partage dont nous bénéficions tous aujourd’hui.

Inspiré dès 1975 par l’éthique des Hackers (1) au MIT, subtile alchimie de culture communautariste du partage, de refus de l’autorité et de perfectionnisme, Richard Stallman a eu son coup de génie au début des années 1980 en voulant réparer son imprimante.

C’est incongru mais c’est comme ça.

Constatant un bourrage papier dans son imprimante Xerox, notre héros décide d’améliorer le pilote du logiciel pour résoudre le problème. Ce qui, vous me l’accorderez, prouve la différence entre Eux et Nous (ça ne m’est jamais venu à l’idée de vouloir améliorer le pilote d’un logiciel…).

Et là, la révélation ! Notre héros constate que c’est impossible, que le pilote fourni n’est disponible que sous forme de fichier exécutable (code binaire) et que son code source est inaccessible.

Pour comprendre la différence entre le fichier exécutable et le code source, on peut prendre l’analogie avec une symphonie. La version interprétée par l’orchestre, c’est le fichier exécutable et la partition, c’est le code source.
Et pour modifier un morceau de musique, vous m’accorderez qu’il est plus facile de partir de la partition que de la recomposer en écoutant le morceau. Surtout s’il s’agit du Requiem de Mozart. Logique.

Donc, notre héros peste et fulmine.
Vert de rage, il cherche le code source de son pilote d’imprimante, le demande, l’exige mais personne ne veut lui fournir.
Il comprend alors que cette éthique des Hackers qui lui est chère est en péril, menacée par la culture libérale capitaliste si brillamment défendue par les grands leaders de l’époque, Ronald Reagan et Margaret Thatcher en tête.

« Qu’à cela ne tienne !
Je vais créer les logiciels libres !
Et un système juridique en béton armé pour les protéger ! »

S’écrie notre Preux Chevalier du Partage.


Quatre libertés fondamentales

« L’idée centrale du Copyleft est de donner à quiconque la permission d’exécuter le programme, de le copier, de le modifier, et d’en distribuer des versions modifiées – mais pas la permission d’ajouter des restrictions de son cru. C’est ainsi que les libertés cruciales qui définissent le logiciel libre sont garanties pour quiconque en possède une copie ; elles deviennent des droits inaliénables. »

— Richard Stallman (2)

Ainsi, ces licences logiciels libres, telles qu’édictées par la Free Software Foundation créée par Richard Stallman reposent sur les 4 lois fondamentales suivantes (3) (presque aussi importantes pour l’Histoire de l’Humanité que les 3 Lois de la Robotique d’Isaac Asimov) :

  1. La liberté d’exécuter (utiliser) le programme, pour tous les usages.  
  2. La liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins.
  3. La liberté de redistribuer des copies du programme (ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies).
  4. La liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté. Une fois la version originelle modifiée, son nouvel auteur peut l’utiliser sans condition pour son usage personnel mais s’il souhaite la diffuser, cette version modifiée se retrouve automatiquement sous la licence libre de la version originelle.
Le logo de la Licence GNU

Irrévocables, ces droits vont ensuite être protégées par une série de licences juridiques, à commencer par la Licence GNU, qui vont garantir aux développeurs-créateurs-contributeurs que leur travail mis sous licence libre ne pourra pas être breveté par une compagnie aux dents longues et que les améliorations qui vont être apportées à leurs développements par la communauté seront à leur tour automatiquement protégés et encadrés par ces licences.

L’idée est simple mais révolutionnaire.

Et elle constitue, de fait, une réponse brillante et communautaire au vide juridique qui a longtemps existé pour protéger les biens communs.
Ainsi qu’une solution habile pour contrer tous ceux qui veulent empêcher et limiter le partage des savoirs et des connaissances.

Avec le temps, le concept va s’élargir aux domaines de la Culture et de l’Art.

Et on parle aussi comme solution pour lutter contre les ****** de capitalistes qui voudraient breveter le vivant.

Donc… Merci les Geeks !


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Petites notes de bas de page

(1) Pour ma part, je n’avais même pas imaginé qu’il y ait pu avoir des Hackers en 1975. Rendez-vous compte, ma sœur n’était même pas née.
Et pourtant. Et ils avaient une éthique ! Impressionnante d’ailleurs.

(2) Source : Richard Stallman – http://www.gnu.org/gnu/thegnuproject.fr.html

(3) Source Free Software Foundation / Wikipedia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Free_Software_Foundation


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