« Consommer local, relocaliser, soutenir nos producteurs locaux ». Des slogans souvent véhiculés durant la crise qui ont, dans les faits il est vrai, souvent été assortis de changements de consommation réels ces derniers temps. Mais pour quelle ampleur et pour quels effets dans la durée ? Petite analyse croisée auprès de 6 maraîchères/maraîchers passé.es par les services d’accompagnement du Groupe One.Méfiance sanitaire à l’égard de la grande distribution, fermeture des marchés et de l’Horeca, conscientisation accrue liée au ralentissement de nos vies… Durant le confinement de nombreux.ses consommateurs.rices ont pris le temps de changer leurs habitudes de consommation. Pour beaucoup, cela s’est traduit par des achats plus réguliers auprès des maraîchers de leurs régions. Redécouvrant ainsi des produits sains, frais et savoureux ainsi qu’un contact humain chaleureux plus qu’apprécié avec son producteur ou sa productrice de quartier. A l’heure du déconfinement, petit tour d’horizon auprès de 6 maraîchers wallons pour connaître l’ampleur de cette vague et observer qu’elle ne s’estompera pas au même rythme que les courbes actuelles de contaminations.
De la Gaume au Tournaisis, les échos de terrains sont unanimement très positifs. « On n’a pas compris ce qui nous arrivait », s’étonne encore Sandrine, l’une des Filles Bonhomme qui venaient juste de se lancer cette année en soutien à leur papa dans le petit village de Saint-Vincent au sud du pays. « Mercredi, on a fait en commandes l’équivalent de 2 marchés, et le panier moyen a plus que doublé par rapport aux estimations réalisées avec notre coach. Avec le confinement, on a donc dû fonctionner par commandes et cela arrange bien nos clients en fin de compte. Les gens achètent aujourd’hui beaucoup en ligne alors pourquoi pas leurs légumes ?». Patrice du trio de maraîchers Fan(e)s de Carotte se réjouit lui aussi « Ces derniers temps, les consommateurs privilégiaient les achats en magasin et notre système de paniers était un peu en déclin, ça l’a vraiment bien relancé, fluidifiant ainsi notre organisation. »
Même avis enthousiaste provenant de Ludovic (photo) de Sois bio t’es toi, pourtant privé de son marché de Soignies. Il s’est lancé dans la livraison de 30 commandes par jour le mercredi et le samedi. « C’est un peu contraignant en termes d’organisation, mais ça en vaut la peine car le panier moyen est plus important et puis surtout on conserve ainsi le contact humain avec nos clients ».
Christine de Natur’Ailes a elle, au contraire, pu bénéficier du maintien d’un des rares marchés de Belgique relaté par L’Avenir, celui de Vaulx près de Tournai, pour doubler sa clientèle. « Cela a ramené beaucoup de monde d’un coup », se rappelle-t-elle très positive, « mais ça a aussi été difficile à gérer, des clients attendent, il faut servir un peu plus vite tout en se lavant constamment les mains entre le contact des produits et l’encaissement ».
A Pont-à-Celles, Benoît a aussi constaté une « énorme hausse restée constante » de consommateurs.rices venu.e.s s’approvisionner chez lui à La Tête dans les salades. Avec sagesse, il avertit toutefois consœurs et confrères « de ménager leurs énergies, car avec les systèmes de commandes et de livraisons, pas mal de maraîchers sont déjà à genoux alors que la saison ne fait que commencer et qu’on n’a pas encore récolté les tomates ! Généralement, c’est en automne qu’on accuse le coup, pas maintenant… ».
Constat confirmé par Mouna, établie depuis 3 ans à Seneffe près du canal, « les gens ont suivi, très nombreux, des gens qui ne connaissaient pas les Folies Potagères, beaucoup aussi qui connaissaient mais n’avaient le temps ou n’avaient pas eu encore le réflexe de venir. On a écoulé beaucoup plus que d’habitude, c’était très fatigant. D’autant que j’ai permis les commandes à la carte, ce que je ne ferais probablement plus.».
Du côté des Filles Bonhomme, le service aux client.e.s a aussi pris le pas sur leur propre organisation « Certains nous demandaient d’être livrés en dehors des jours prévus, généralement le cas de commandes groupées pour les voisins, les parents… On a accepté car c’est dans l’ADN de la maison, papa fonctionnait comme ça avant nous en privilégiant le relationnel ».
« Ces nouveaux clients viennent souvent vers nous plein d’empathie », sourit Mouna, des Folies Potagères à Seneffe, « mais le but n’est pas de nous soutenir comme si notre survie en dépendait. Tout n’est pas facile certes, mais nous allons bien. L’enjeu c’est vraiment de consommer différemment. Surtout s’ils gardent ces habitudes dans la durée. Alors on a vraiment gagné quelque chose ! ».
Tous.tes nos maraîchers/maraîchères sondé.e.s s’entendent grosso modo sur un doublement de leur clientèle. Constat très positif. Mais selon eux, près d’1/3 auraient déjà lâché leurs bonnes habitudes « pour repartir d’où ils venaient, c’est-à-dire au supermarché » déplore Benoît de La Tête dans les salades. Toutefois, bon est de constater un maintien de près 70% de nouveaux clients, ce n’est pas négligeable, tant pour les maraîchers que pour l’économie locale. Sandrine (Filles Bonhomme) pense qu’« il faudra analyser cela sur le long terme. L’avantage, c’est que la crise n’a pas été courte. Du fait des mois de confinement, les gens ont eu le temps d’éprouver leurs changements de consommation. Ça laisse entrevoir un certain espoir de voir ces habitudes se pérenniser à l’avenir ». A cette analyse, Patrice de Fan(e)s de Carotte y ajoute une autre note encourageante : « L’avantage c’est que le déconfinement a lieu au moment où l’on commence à produire davantage, et donc comme notre assortiment est plus varié, cela peut inciter nos nouveaux clients à rester, plutôt que si nous n’avions que choux et betteraves à leur proposer en plein cœur de l’hiver. »
Un dernier point positif, selon Benoît (La Tête dans les salades), c’est que la situation a aussi généré de nouvelles vocations. « J’ai reçu de multiples propositions d’aides et ai engagé deux nouvelles saisonnières dont une envisage bientôt de se lancer comme indépendante. Je viens justement de la rediriger vers les services de Groupe One… »
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Merci aux maraîchers et aux maraîchères qui nous ont accordé de leur temps !